lundi 19 mai 2008

COURRIERS DE L'AJPF

L'association de juristes en Polynésie française a adressé un courrier :
- aux deux députés de la Polynésie française,
- à M. Jean-Luc Warsmann, député, président de la commission des lois
- et au Président de l'Assemblée de la Polynésie française,
dans les termes suivants :
(...)
La commission des loi a adopté le 30 janvier 2008 la proposition de loi visant à simplifier la vente des biens en indivision, déposée à l'Assemblée Nationale, par MM. Warsmann et Huygue, le 22 janvier 2008. La commission a soulevé l’intérêt de s’interroger sur l’opportunité d’étendre l’application de la proposition de loi aux trois collectivités du Pacifique que sont Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.

Aussi, notre association s’est elle interrogée sur l’opportunité d'étendre ce texte, à la Polynésie française, qui consiste en une "vente forcée" (avec autorisation judiciaire) par adjudication à la demande des 2/3 des indivisaires.

Après interrogation de membres de l’AJPF, de la Chambre des notaires et de M. Bambridge, chargé de recherche au CNRS, Il en résulte notamment que :

- en Polynésie française, un Décret en date du 22 mars 1923 avait favorisé le principe de la licitation au détriment du partage en nature. Ce texte dérogatoire au droit commun a laissé de mauvais souvenirs.

- la réforme issue de la loi du 23 juin 2006 est venue assouplir les règles de gestion de l’indivision légale. Cette réforme s’inscrit dans le prolongement de la loi n°76-1286 du 31 décembre 1976 réglementant l’indivision. Les nouveaux aménagements n’ont pas eu pour effet de modifier en profondeur les règles de gestion de l’indivision. Ils visent surtout à éviter les situations de blocage dans l’administration des successions en prévoyant que certains actes pourront être accomplis à la majorité des deux-tiers. Si cette modification est intéressante pour les petites indivisions elle est notoirement insuffisante pour les indivisions lourdes comme celles que nous connaissons en Polynésie française.

- la proposition de loi visant à simplifier la vente des biens en indivision, n’est pas adaptée à la Polynésie française. Cette affirmation découle du rapport lui-même qui mentionne : « Cette proposition de loi concerne donc le cas de figure où tous les indivisaires sont connus et localisés » (Rapport n° 665 déposé le 30 janvier 2008 AN par M. Sébastien Huyghe) ; or, l’une des caractéristiques de la question foncière en Polynésie française est la présence de nombreuses indivisions dites « lourdes » regroupant 300 à 500 individus , voire plus encore, sur 2 à 7 générations. Aussi, se pose le problème de la connaissance et de la localisation de tous les co-indivisaires.

- Il serait préférable de proposer des solutions sur la gestion de l’indivision et de privilégier les partages de terres par souche avec l’adoption de lois de pays adaptées à la situation locale.

Vous trouverez en pièces jointes les notes remises par
- Monsieur Tamatoa Bambridge, chargé de recherche au CNRS, docteur en sociologie
- et par Me Dominique Calmet, notaire associé à Papeete, Président de la Chambre des notaires de Polynésie française (avril 2004-avril 2008).

Vous en souhaitant bonne réception

Veuillez croire, ...
Catherine Chodzko (Présidente de l'AJPF)
Catherine Vannier (Vice-Présidente de l'AJPF)

Note concernant le projet de loi visant à simplifier la vente des biens indivis

Tamatoa Bambridge, docteur en sociologie, chargé de recherche au CNRS

En résumé ce projet de loi est relatif à une "vente forcée" par adjudication à la demande des 2/3 des indivisaires. Le notaire est chargé de la procédure, signifie aux co-indivisaires l'intention d'aliéner le bien par au moins 2/3 des indivisaires.
En cas d'opposition ou de non réponse après un délai de deux mois, le notaire dresse un PV. Dans ce cas le tribunal peut autoriser, à la demande des indivisaires, l’aliénation d’un bien indivis si celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires.
La vente se fera par adjudication dans la forme des licitations.

Compte tenu de mon champ d’expertise, je ne peux me prononcer sur ce projet de loi que du point de vue de l’anthropologie juridique. La question posée devient donc : quel serait l’impact de ce projet de texte, s’il était étendu à la Polynésie française, sur les groupements de parenté en Polynésie Française ?

Compte tenu de l’extraordinaire pluralisme culturel et juridique en Polynésie française, et hormis les problèmes strictement juridiques, les situations d’indivision sont complexes en raison :
- de la profondeur des groupements revendiquants (entre 7 et 2 générations) ;
- des biens immobiliers qui font l’objet de revendications (différents selon la profondeurs des groupements et sur lesquels beaucoup d’arrangements à l’échelle locale, ne sont pas connus par l’administration – déficience de la publicité foncière, de la transcription, etc.) ;
- des stratégies des acteurs dans le cadre de ces grandes indivisions ;

Un tel projet serait assimilé à un retour en arrière, celle de la situation des années 1920, lorsque le décret du 22 mars 1923 favorisait la licitation des immeubles plutôt que le partage en nature (texte plusieurs fois modifiés puis abrogé depuis).

A l’époque, le texte sur la licitation avait suscité l’intérêt de grandes compagnies (Société Commerciale de l’Océanie, Caisse du Crédit agricole –devenu la SOCREDO aujourd’hui- etc.) et de certains coindivisaires. Il y eu de nombreux abus qui font toujours l’objet de conflits judiciaires ou qui sont récupérés sur un plan politique.

Aujourd’hui, le texte proposé s’il est étendu à la Polynésie française, risque de produire les mêmes effets car de nombreux indivisaires, voire des souches entières ne sont toujours pas connus.
De plus, le contexte social s’est considérablement aggravé aujourd’hui. Il convient en effet de rappeler que dans les années 1920-1925, la population était peu nombreuse (35 000 personnes) et les terres abondantes. Aujourd’hui, avec 250 000 personnes, on estime que 20% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté (ISPF, 2005) et est, dans les faits déjà sans terre, car dans l’incapacité de faire valoir ses droits ; lorsqu’elle en a, dans les grandes indivisions.

Ce sont vraisemblablement ces personnes là qui seraient les premières victimes du projet de texte. De ce fait, la situation risque de devenir explosive, en cas de vente forcée de biens. Le tribunal et les notaires deviendraient la principale cible d’agitateurs qui exploiteraient la situation sur un plan politique.

De mon point de vue la priorité n’est donc pas là pour la Polynésie française, mais dans celle de a) moderniser l’administration et la gouvernance foncière ; b) favoriser les sorties d’indivision pour l’ensemble des groupements et c) d’organiser légalement cette indivision lorsque les domaines sont vastes et les groupements importants.

NOTARIAT POLYNESIEN

LA VENTE DES BIENS EN INDIVISION
(simplification ou complication)



La Commission des lois en date du 30 janvier 2008 a adopté le projet de loi visant à simplifier la vente des biens en indivision.

La Chambre des notaires est interrogée :
- sur l’opportunité d’étendre ce texte à la Polynésie française qui consiste à permettre une «vente forcée avec autorisation judiciaire » par adjudication à la demande des 2/3 des indivisaires.
- Sur l’utilité d’amender ce texte pour mieux gérer l’indivision par la possibilité de donner à bail par les 2/3 des indivisaires.

N’y a t’il pas atteinte au droit de propriété ? (d’autres se chargeront de contester éventuellement devant le conseil constitutionnel)

Le rapporteur de cette proposition de loi estime que l’intérêt principal de cette proposition de loi est d’accélérer la vente des biens, les délais de procédure conduisant souvent à la dégradation des biens immobiliers.

Or, en Polynésie Française, les indivisions portent généralement sur des terrains nus. Il n’y a donc pas urgence lié au risque de dégradation. Par ailleurs, l’article 815-5 du Code civil offre, une possibilité de sortir de l’impasse moyennant autorisation judiciaire. Le recours à l’article 815-6 du code civil existe dans le cadre des «mesures urgentes que requiert l’intérêt commun ». L’article 217 du code civil peut être utilisé dans le cas d’indivision entre époux et l’article 815-4 lorsque l’un des indivisaires se trouve hors d’état de manifester sa volonté.

Dans notre Pays, les indivisions se prolongent sur plusieurs générations, et le notaire qui aura la charge de signifier l’intention de vente aux autres indivisaires, aura beaucoup de difficultés pour :

- identifier les indivisaires ;

- déterminer la quote-part des indivisaires souhaitant vendre (Il y a le risque que par exemple : les 68 % deviennent en réalité 62 % par suite de survenance d’héritiers jusque là inconnus en raison des changements intervenus dans la dévolution successorale).

- notifier le projet de vente ; dans la majorité des cas les adresses des personnes connues sont imprécises – Il n’y a pas d’huissier sur toute l’étendue de la Polynésie et dans une indivision de 200 ou 300 membres, le coût sera rédhibitoire.

Le notariat n’a jamais refusé les nouvelles missions qui lui ont été confiées, mais aujourd’hui il n’est pas favorable à l’extension de ce texte en Polynésie Française, car il ne disposera pas des moyens pour déterminer avec certitude le nombre des indivisaires, leur quote-part, et signifier valablement l’intention de vente.

Cette loi apparaît aussi inadaptée aux problèmes du foncier en Polynésie Française, et sera très mal perçue par une population très attachée à sa terre.

Par contre, le notariat serait favorable à une loi facilitant les sorties d’indivision, en offrant à un indivisaire la possibilité de représenter une souche (mandat tacite – stipulation pour autrui). Dans ce cas l’indivisaire qui n’intervient pas directement n’est pas spolié. Ses droits indivis plus faibles dans un ensemble plus grand, seront remplacés par des droits plus importants dans un ensemble plus petit, en tenant compte bien entendu des occupations faites par les indivisaires qui bien souvent estiment que le partage a eu lieu oralement. le sous partage sera facilité. Les significations pourraient être remplacées par un simple avis au JOPF et dans un journal habilité à recevoir les annonces légales « sous une rubrique bien identifiée par exemple : « DEMANDE DE PARTAGE » et ceci pour réduire le coût de ces opérations et réduire les délais. Le délai de prescription pour les contestations devrait être réduit. Par exemple 5 ans comme pour les remembrements, ce délai courant à compter de la publication du partage dans un journal d’annonces légales.


Transmis à l’Association de juristes en Polynésie française par Me Dominique Calmet, notaire associé à Papeete, président de la Chambre des notaires de Polynésie française (avril 2004 – avril 2008)

mercredi 2 avril 2008

INDIVISION - LE PROBLEME DU FONCIER en Polynésie française

La commission des lois en date du 30 janvier 2008 a adopté le projet de loi visant à simplifier la vente des biens en indivision déposé à l'Assemblée Nationale, par MM. Warsmann et Huygue, le 22 janvier 2008 .
Il convient de s'interroger :
- sur l'opportunité d'étendre ce texte à la Polynésie française qui consiste en une "vente forcée" (avec autorisation judiciaire) par adjudication à la demande des 2/3 des indivisaires.
- de la possibilité d'amender ce texte pour mieux gérer l'indivision par la possibilité de donner à bail par les 2/3 des indivisaires.
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L'indivision en Polynésie française.
Une des caractéristiques de la question foncière en Polynésie française est la persistance du problème de l’indivision se prolongeant sur plusieurs générations. Ces indivisions "lourdes" pouvant comporter 200 à 300 individus posent le problème de la connaissance et de la localisation de tous les co-indivisaires.

"Les conflits de propriété constituent une part importante des contentieux, compliqués par la prescription acquisitive introduite par le code civil".
En Polynésie française, par le Décret du 22 mars 1923 la licitation a été favorisée par rapport au partage en nature. Ce texte dérogatoire au droit commun a laissé de mauvais souvenirs.
[22.03.1923 DECRET portant règlement de la procédure en matière de partage et delicitation dans les Etablissement français de l’Océanie.AP du 20.06.1923 J.O des E.F.O n°13 du 01.07.1923 pages 199-200 Modifié par : le décret n°56-613 du 18.06.1956 (article 3)]
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La réforme issue de la loi du 23 juin 2006, est venue assouplir les règles de gestion de l’indivision légale. La réforme s’inscrit dans le prolongement de la loi n°76-1286 du 31 décembre 1976 qui est venue réglementer l’indivision. Les nouveaux aménagements n’ont pas eu pour effet de modifier en profondeur les règles de l’indivision et visent surtout à éviter les situations de blocage dans l’administration des successions en prévoyant que certains actes pourront être accomplis à la majorité des deux-tiers. Si cette modification est intéressante pour les petites indivisions elle reste insuffisante pour les indivisions lourdes comme celles que nous connaissons en Polynésie française.

Compétence
L’Etat a conservé sa compétence pour tout ce qui touche aux successions et libéralités (art 14 de la loi organique du 24 février 2004). Compétence de l’Etat pour laquelle la Polynésie française peut participer conformément à l’article 31 du nouveau statut. Cette matière nécessite, depuis l’abrogation de la loi de du 9 juillet 1970 n° 70-589 relative au statut civil de droit commun dans les territoires d’outre-mer par le nouveau statut de la Polynésie française, une mention expresse pour s’appliquer dans notre Collectivité d’outre-mer.
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C. Chodzko

Simplification de la vente des biens en indivision - Travaux préparatoires

Simplification de la vente des biens en indivision
(Les informations concernant les réunions à venir ont un caractère prévisionnel et sont susceptibles d'être modifiées)
Travaux préparatoires
Assemblée nationale 1re lecture
Assemblée nationale - 1re lecture
Proposition de loi de MM. Jean-Luc WARSMANN et Sébastien HUYGHE visant à simplifier la vente des biens en indivision, n° 618, déposée le 22 janvier 2008et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république
Travaux des commissions- commission des lois La Commission saisie au fond a nommé M. Sébastien Huyghe rapporteur le 22 janvier 2008
Examen du texte au cours de la réunion du 30 janvier 2008 à 9 heures 30
Rapport n° 665 déposé le 30 janvier 2008 (mis en ligne le 15 février 2008 à 19 heures) par M. Sébastien Huyghe

Proposition de loi visant à simplifier la vente des biens en indivision

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION des lois le 30 janvier 2008
Proposition de loi visant à simplifier la vente des biens en indivision

Article unique
Après l’article 815-5 du code civil, il est inséré un article 815-5-1 ainsi rédigé :

« Art. 815-5-1. — Le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité, exprimer devant un notaire leur intention de procéder à l’aliénation d’un bien indivis. Si ce bien est démembré, la vente de sa pleine propriété s’effectue dans les conditions prévues aux articles 817, 818 et 819.

« Le notaire signifie, dans le délai d’un mois, par un acte extrajudiciaire, cette intention aux autres indivisaires. À défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.

« Si l’un ou plusieurs des indivisaires s’opposent à cet acte ou ne se manifestent pas dans un délai de deux mois à compter de sa signification, sans qu’ils soient dans le cas prévu à l’article 836, le notaire le constate par procès-verbal. Dans ce cas, le tribunal de grande instance peut autoriser, à la demande des indivisaires mentionnés au premier alinéa, l’aliénation d’un bien indivis si celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires.

« Cette aliénation ne peut s’effectuer que par adjudication, dans la forme des licitations. Les sommes retirées ne peuvent faire l’objet d’un remploi sauf pour payer les dettes et charges de l’indivision.

« L’aliénation effectuée dans les conditions fixées par l’autorisation de justice est opposable à l’indivisaire dont le consentement a fait défaut, sans préjudice des dispositions du deuxième alinéa. »

Compte-rendu Commission des lois

Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Mercredi 30 janvier 2008
Séance de 9 h 30
Compte rendu n° 37
Extrait :
La Commission a examiné, sur le rapport de M. Sébastien Huyghe, la proposition de loi de MM. Jean-Luc Warsmann et Sébastien Huyghe visant à simplifier la vente des biens en indivision (n° 618).
M. Sébastien Huyghe, rapporteur, a rappelé que la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a permis d’améliorer et de simplifier le règlement des successions. Elle facilite notamment les opérations courantes concernant les biens indivis, en permettant à une majorité de deux tiers des indivisaires de pouvoir prendre des actes de gestion. Cependant, il a souligné que cette loi n’a pas permis d’améliorer les conditions de mise en vente de ces biens. Il a estimé que, trop souvent, les opérations de partage sont retardées ou bloquées par la mauvaise volonté d’un ou de plusieurs indivisaires.Il a indiqué que la proposition de loi, qu’il présente avec le président Jean-Luc Warsmann, propose de créer une nouvelle modalité de vente des biens indivis, à la demande des deux tiers des indivisaires, sur autorisation judiciaire.
Il a rappelé que le droit en vigueur ne permet la vente d’un bien indivis que dans deux situations. Le premier cas de figure est celui où l’ensemble des indivisaires souhaite unanimement vendre le bien. La deuxième situation est prévue par l’article 815-5 du code civil, qui n’offre la possibilité de vendre un bien indivis qu’en cas de mise en péril de l’intérêt commun. Dans ce cas, un seul indivisaire peut être autorisé en justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d'un autre indivisaire serait nécessaire. L’acte autorisé par le juge peut être une aliénation, puisque le texte ne fait pas de distinction entre actes d’administration et actes de disposition.
Il a donc constaté, qu’en dehors d’un péril imminent, notre droit ne permet pas de procéder, même avec recours au juge, à la vente d’un bien indivis lorsqu’un indivisaire fait preuve d’inertie ou s’y oppose.Il a indiqué que le dispositif de la proposition de loi prévoit que deux tiers des indivisaires indiquent à un notaire leur souhait d’aliéner le bien. Celui-ci dispose alors d’un mois pour en informer les autres indivisaires. Ces derniers ont ensuite deux mois pour faire connaître leur position. En cas de refus ou de défaillance d’un ou plusieurs indivisaires, le notaire le constate et le tribunal de grande instance est alors saisi afin d’autoriser l’aliénation. Cette autorisation devra notamment permettre de vérifier que cette vente ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires. Une telle atteinte pourrait par exemple être constituée par l’impossibilité de faire valoir le droit à une attribution préférentielle du bien.
Il a insisté sur le fait que si l’aliénation prend la forme d’une adjudication c’est pour préserver les droits de l’opposant à cette aliénation. Par ailleurs, la somme tirée de l’aliénation a vocation à revenir dans la masse indivise à la place du bien vendu, mais la vente simplifiera grandement les opérations de partage. Enfin, s’agissant de l’application de la présente proposition de loi outre-mer, il a rappelé qu’elle s’appliquera de plein droit dans les départements d’outre-mer, à Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les Terres australes et antarctiques françaises. En revanche, la réflexion sur l’opportunité d’étendre l’application de la proposition de loi aux trois collectivités du Pacifique que sont Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française est en cours.
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Le président Jean-Luc Warsmann a fait observer qu’il était apparu, au cours des auditions qu’il avait conduites dans le cadre de la mission sur la simplification du droit, que le champ d’application des lois outre-mer méritait d’être examiné avec un soin particulier, compte tenu, notamment, des incohérences qui avaient pu être mises en évidence dans le passé.
Il a précisé que, sur ce fondement, avait été établi par les services de la Commission un document permettant de définir, par type de matière et par collectivité, ce qui relevait de l’application automatique des lois et ce qui nécessitait une adaptation.
Il a souligné, enfin, qu’il avait écrit au Président de l’Assemblée nationale pour attirer son attention sur la nécessité, pour le législateur, d’exercer une vigilance particulière sur cette question.
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M. Alain Vidalies a fait part de son scepticisme sur l’objectif de la présente proposition de loi, sur l’intérêt d’en « encombrer » l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, ainsi que sur l’existence d’une étude d’impact fondant la nécessité d’une telle initiative.
En outre, rappelant les termes du rapport de M. Sébastien Huyghe sur le projet de loi portant réforme des successions et des libéralités, ceux du rapport fait au nom de la commission des Lois du Sénat par M. Henri de Richemont sur le même projet de loi ainsi que ceux de la réponse faite le 8 mai 2007 par le Garde des Sceaux à une question écrite posée par M. François-Xavier Villain, il a émis de très fortes réserves sur la constitutionnalité du dispositif, dès lors que toute possibilité d’étendre la règle de la majorité des deux tiers des droits indivis est susceptible de porter atteinte au droit de propriété.
Il s’est, par ailleurs, inquiété à la fois du risque de transfert d’une compétence supplémentaire au profit des notaires, alors même qu’étaient déjà à l’étude de nombreux autres transferts, en matière de divorce par exemple, et des conséquences d’une « déjudiciarisation » progressive des procédures civiles que ce type de proposition entraînait, d’où il résultait in fine une perte de garanties pour les citoyens.Il a estimé que le nombre de cas dans lesquels la proposition de loi jouerait serait, par définition, très faible et ce au prix d’une procédure très compliquée. Il a conclu son propos en faisant remarquer que la législation, sur ce point, n’avait jamais été modifiée, y compris à l’occasion de l’examen de la loi, pourtant d’ampleur, du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.
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Le rapporteur a rappelé que lors de l’examen parlementaire de la loi du 23 juin 2006, il avait réfléchi à de nouvelles modalités de vente de biens en indivision, sans autorisation de l’autorité judiciaire, ce qui semblait douteux sur le plan constitutionnel. Il a souligné que beaucoup de personnes confrontées à l’indivision ont cru que la loi, en facilitant les conditions de gestion des biens indivis, améliorait également les modalités de leur vente. Il a donc estimé qu’il existait une attente forte des citoyens envers le législateur. Il a considéré que la proposition de loi respectait le droit de propriété puisque la vente est soumise à l’autorisation de la justice, que la vente s’effectue par adjudication qui permet de s’assurer qu’elle a lieu au meilleur prix, que les droits à l’attribution préférentielle du bien sont préservés et que la vente du bien ne fait pas obstacle à un partage ultérieur. Il a indiqué que le notaire se bornerait à constater le désaccord éventuel des parties, l’autorisation de vente devant obligatoirement être prise par le tribunal de grande instance.
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Le président Jean-Luc Warsmann a souhaité préciser que l’entrée en vigueur de la loi précitée du 26 juin 2006 avait suscité des incompréhensions de la part de nombreux citoyens qui, placés en situation d’indivision, avaient cru que les nouvelles dispositions relatives à l’extension de la règle de la majorité des deux tiers pour les seuls actes de gestion avaient un champ plus large que celui défini par la législation et se sont exposés, par là, à l’occasion de la consultation de leur notaire, à de fortes déceptions.
Il a alors fait observer que, sans pour autant étendre le champ de la majorité des deux tiers qui se heurte effectivement à un doute sérieux de constitutionnalité, la présente proposition de loi, loin d’écarter l’office du juge, prévoit expressément une décision judiciaire et permettrait, avant que l’affaire ne soit portée devant les tribunaux, en incitant les indivisaires à se retrouver auparavant chez le notaire, de faciliter la recherche d’une solution satisfaisante pour tous dès lors qu’une majorité des deux tiers existe.Il a cité à l’appui de son argumentation deux exemples, le premier étant celui, relevé lors du « Grenelle de l’environnement », des forêts en indivision dont la gestion était pour le moins négligente, le second étant constitué par les nombreux immeubles en indivision qui ne trouvaient pas de destination, faute de règlement unanime et souvent par défaut d’action, l’indivisaire en désaccord avec les cohéritiers jouant la carte de l’inertie.
Il a ainsi relevé que la proposition de loi permettrait de débloquer des situations dommageables au plus grand bénéfice de politiques nationales fortes, telles que l’environnement ou le logement.
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M. Éric Straumann s’est félicité de l’initiative proposée qui permettra de dépasser certains des obstacles auxquels se heurtent les politiques communales d’urbanisme parfois bloquées par des questions d’indivision et a demandé au rapporteur si le mécanisme proposé permettra de faciliter également les échanges de terrain.
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M. Alain Vidalies a contesté à la fois la méthode, les exemples et les objectifs de la proposition de loi.Il s’est tout d’abord étonné que la procédure mise en place depuis le début de la législature de co-rapport partagé entre la majorité et l’opposition sur l’application des lois n’ait pas permis, dans le cadre de l’évaluation de la loi du 26 juin 2006 d’informer l’opposition de l’initiative examinée aujourd’hui, alors même que les auteurs de l’initiative se plaçaient dans la perspective d’un examen des suites de ladite loi.
Il a fait remarquer ensuite que nul n’étant censé rester dans l’indivision, les cas évoqués ne sauraient perdurer et devraient conduire, dans tous les cas, à une procédure de partage selon les voies ordinaires.Puis, il a souligné que le problème posé par la gestion des forêts, comme l’ont montré les suites de la tempête dans le plus grand massif forestier privé que constituent les Landes, est plus celui de l’identification des propriétaires que celui de la gestion en indivision.
Il a conclu son propos en réaffirmant son scepticisme sur l’intérêt, l’objectif et la constitutionnalité du dispositif.
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Le rapporteur a estimé que l’intérêt principal de cette proposition de loi était d’accélérer la vente du bien. En effet, dans la situation actuelle, les délais de procédure conduisent souvent à la dégradation des biens immobiliers. Il a ajouté que le dispositif proposé ne permettait que la vente du bien, les sommes retirées prenant la place du bien dans la masse indivise, et qu’il ne faisait donc pas obstacle à un partage ultérieur.
La Commission est ensuite passée à l’examen de l’article unique de la proposition de loi. Article unique (art. 815-5-1 [nouveau] du code civil) : vente d’un bien en indivision sur autorisation judiciaire : La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur prévoyant, d’une part, la compétence du tribunal de grande instance pour connaître d’une demande de vente d’un bien en application de la proposition de loi, afin d’en harmoniser la procédure avec celle de la demande reconventionnelle en partage, et, d’autre part, que cette demande peut être faite soit sous la forme d’une assignation, soit sous la forme d’une requête conjointe.
Puis, elle a adopté un amendement présenté également par le rapporteur ouvrant la possibilité de payer les dettes et charges de l’indivision au moyen des sommes retirées de la vente d’un bien indivis, à l’instar de ce qui est d’ores et déjà prévu dans le cas de la vente de biens meubles.

Extrait du rapport de la Commission - Rapport n° 665 déposé le 30 janvier 2008 (par M. Sébastien Huyghe

Extrait :
6. Application de la proposition de loi outre-mer
La présente proposition s’appliquera de plein droit dans les départements d’outre-mer soumis au principe de l’identité législative.

En ce qui concerne Saint-Pierre-et-Miquelon, son statut prévoit que, sauf dérogation contraire expresse, la loi applicable en France métropolitaine s’y applique de droit, sans qu’il soit nécessaire de le mentionner. L’article 22 de la loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, précise en effet qu’« en dehors des matières mentionnées à l’article précédent [matière fiscale et douanière, ainsi que dans le domaine de l’urbanisme et du logement], la loi est applicable de plein droit à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon ». La présente proposition de loi y sera donc applicable de plein droit.
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De même, en application de l’article 1er de l’ordonnance n° 2002-1476 du 19 décembre 2002, ratifiée par la loi n°2003-660 du 21 juillet 2003, les conditions d’application du code civil à Mayotte ont fait l’objet d’une présentation globale, directement codifiée dans le livre quatrième « Dispositions applicables à Mayotte » de ce dernier (13). L’article 2503 du code civil prévoyant l’application à Mayotte des articles 711 à 832-1, la présente proposition de loi y sera applicable.
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Par ailleurs, la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer a étendu l’application du principe d’identité législative dans les Terres australes et antarctiques françaises à de nouveaux domaines, tels que le droit civil, en insérant un nouvel article 1-1 dans la loi n°55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton. La présente proposition de loi s’y appliquera donc de plein droit.
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La proposition de loi s’appliquera également, et sans qu’il soit besoin de le préciser dans la loi, dans les collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin pour lesquelles, depuis l’entrée en vigueur de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, le droit civil relève du principe de l’assimilation législative.
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En revanche, à Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, l’application de la proposition de loi exige une mention expresse. L’article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française ne prévoit pas que le droit des successions fait partie des dispositions applicables de plein droit en Polynésie française. La règle est celle du premier alinéa de cet article qui pose que : « Dans les matières qui relèvent de la compétence de l’État, sont applicables en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin ». Par ailleurs, l’article 14 dispose que « Les autorités de l’État sont compétentes dans les seules matières suivantes : (…) successions et libéralités (…) ».
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Il convient donc de s’interroger sur l’opportunité d’étendre l’application de la proposition de loi aux trois collectivités du Pacifique que sont Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.
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Le président Jean-Luc Warsmann a fait observer qu’il était apparu, au cours des auditions qu’il avait conduites dans le cadre de la mission sur la simplification du droit, que le champ d’application des lois outre-mer méritait d’être examiné avec un soin particulier, compte tenu, notamment, des incohérences qui avaient pu être mises en évidence dans le passé.
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Il a précisé que, sur ce fondement, avait été établi par les services de la Commission un document permettant de définir, par type de matière et par collectivité, ce qui relevait de l’application automatique des lois et ce qui nécessitait une adaptation.
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Il a souligné, enfin, qu’il avait écrit au Président de l’Assemblée nationale pour attirer son attention sur la nécessité, pour le législateur, d’exercer une vigilance particulière sur cette question.

Faut-il étendre ce texte à la Polynésie française ?

Proposition de loi visant à simplifier la vente des biens indivis - Opportunité d'étendre ce texte à la Polynésie française